Il y a certains disques qui, franchement, sortent du lot. Squarepusher, avec Fantômas ou The Mars Volta, fait partie de ceux-là. La comparaison peut paraître bizarre, elle se base en fait sur la manière d’appréhender la musique. Véritable remise en question du comment faire et présenter la musique, du comment l’interroger et s’interroger par la même occasion (...) Tom Jenkinson - le vrai nom de Squarepusher (jamais ...) - est un explorateur. Tel son camarade de label, Aphex Twin, il scrute, disque après disque, tous les terrains avec ses machines et ses instruments, et pousse jusque dans ses derniers retranchements les différents genres. C’est parfois beau, limpide, lucide, pur. Parfois aussi dérangeant, brouillon, laid. Comme l’humain et la vie en somme. (...) Plus facile d’accès que Ultravisitor, Hello Everything demande cependant de la patience. Beaucoup de titres, à l’instar de son précédent essai, sont une expérience que l’on qualifiera d’intéressante, pour ne pas dire enrichissante. (...) On sent bien, en effet, que cette musique est le fruit de la solitude et de tout ce qu’elle renferme. On lit souvent ici et là que même entouré, in fine, on est toujours seul. La diversité, la multitude gargantuesque dans laquelle baignent les titres de Hello Everything, jusqu’au titre de l’album, nous poussent dans le coin (sic) pour nous (dé)montrer cette évidence. (...) Vous avez dit avant-gardiste ?
(...) Ce qui fait la force de Hello Everything, c’est la multiplicité des couleurs qui s’y mélangent et l’ambiance générale qui en ressort. (...) Important un peu de dub, de drum’n’bass ou de techno à une musique qui reste avant tout très jazz dans l’esprit et dans la forme, Squarepusher explore un domaine instrumental particulièrement tortueux où rien n’est à première vue prohibé et où les harmonies n’ont d’autre raison d’être que celle de mettre en valeur les dissonances les plus exagérées. Faisant se rejoindre le spirituel et l’absurde, Hello Everything s’avère à la fois attachant, léger et délicat et s’annonce aussi propice à l’investiture des dancehalls les plus posés qu’à celle des ascenseurs où il pourrait très bien faire office de musique d’ambiance si tant est que le périple soit assez long (...)
(...) Ultravisitor pouvait être vu comme un condensé, résumé de ses premières œuvres entre l’ambiance jazz fusion de Music is Rotted One Note et la ligne beaucoup plus électronique de Go Plastic. Pour moi, c’était "Enfin !", réunies en un album cohérent toutes ses influences, et le début d’un dessin plus précis de sa forme personnelle. De ce point de vue, Ultravisitor était une percée, et dans Hello Everything : il creuse ! C’est moins brillant, moins explosif, moins estomaquant, mais il continue, parfois avec peut-être un peu de facilité (ce qui n’est pas forcément un défaut), à explorer son univers musical tellement unique. (...)