(...) malgré d’indéniables qualités formelles, Mémoires de nos pères ne parvient pas à répéter le miracle de Million Dollar Baby. Le jeu de dominos mis en place par Paul Haggis sur le plan narratif dilue l’émotion et empêche le film de prendre son envol. Plusieurs fois, le film change de point de vue et les nombreux flash-back accentuent l’impression d’éparpillement. Très scolaire, la copie s’avère même par moments indigeste quand on revient sur le personnage de l’écrivain, délaissé dès la première bobine, pour le retrouver au chevet de son père malade et forcer ainsi l’implication émotionnelle du spectateur. Le propos est précieux, mais asséné sans délicatesse. (...) Néanmoins, Mémoires de nos pères est jalonné de scènes magnifiques – Clint Eastwood n’a pas perdu son art de cinéaste. (...)
Parmi les qualités premières de Million Dollar Baby, pour ne citer qu’un (bon) film de Clint Eastwood, on trouvait un solide sens du récit et la faculté de dépasser l’anecdote pour atteindre un propos et une vérité universels. Les deux manquent à Mémoires de nos pères. Côté récit, on jurerait que les scénaristes, (...), ont mal numéroté les pages du script. Leur méli-mélo confus entrecroise présent, passé et plus-que-parfait, au point d’annihiler une à une toutes les vertus dramatiques potentielles (...) Comme souvent, l’échec esthétique est lié à un grand flou idéologique. (...) Si Eastwood a plus de sympathie pour les militaires que pour les politiques qui les exploitent indûment, il ne condamne pas véritablement la manipulation faite au nom de l’effort de guerre. La critique est faible – singulièrement à l’heure où d’autres soldats américains meurent, en terre étrangère, au service d’une idéologie douteuse… (...)
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